sábado, 2 de outubro de 2010

Tous les chemins mènent à Brasilia

Francisco Everardo Oliveira Silva, 45 ans, alias Tiririca, - "grincheux", en portugais populaire - est l'un des 22 500 candidats aux élections du 3 octobre. Ce jour-là, 135 millions de citoyens choisiront leur 40e président. Mme Dilma Rousseff, archi-favorite, semble en mesure de l'emporter dès ce premier tour de scrutin. Les Brésiliens désigneront aussi 1 069 élus : gouverneurs, sénateurs, députés fédéraux et membres des assemblées législatives d'Etat.
Sous la bannière du Parti de la République, Tiririca représentera bientôt l'Etat de São Paulo au Parlement fédéral. Bien plus : selon les sondages, il sera le député le mieux élu du pays. Grâce à un transfert de suffrages lié au système proportionnel, son score hors pair fera même élire deux ou trois autres colistiers.
Pendant la campagne, qui s'achève, le clown s'est révélé un redoutable concurrent. Au-delà des plus folles espérances de la petite bande de politiciens au passé douteux qui l'avaient recruté à leur profit. Fidèle à son personnage, qu'il incarne, de cirque en cirque, depuis l'âge de 8 ans, il a joué, à l'extrême, la carte de la dérision. En témoignent ses slogans favoris : "Vote Tiririca, ça ne peut pas être pire", ou "Que fait un député fédéral ? En vérité, je ne sais pas. Mais vote pour moi et je te le dirai."
Le triomphe annoncé de cet amuseur public en dit long sur le ras-le-bol d'une frange de l'électorat envers les politiciens, caste privilégiée, jugée incompétente et trop souvent corrompue. Au Brésil, le vote est obligatoire. Impossible de s'abstenir pour manifester son mécontentement. Envoyer un clown au Parlement est un beau moyen de protester contre le système.
Le Brésil a une vieille habitude des candidatures fantaisistes. En 1958, lors des élections municipales, un parti contestataire avait parrainé un rhinocéros du zoo de São Paulo, baptisé Cacareco. Rayé des listes par la justice, l'animal était pourtant arrivé nettement en tête du scrutin. Son nom est passé dans le langage courant.
Les adversaires du clown, dans sa circonscription, s'estiment victimes d'un procédé déloyal et rappellent que la politique est chose sérieuse. Les chroniqueurs déplorent que le phénomène Tiririca , où se mêlent aussi ignorance et cynisme, soit allé trop loin. En vain.
Parmi les nombreux partis en lice, certains ont réussi à enrôler des "tireurs de voix", outsiders de la politique aux noms et aux visages célèbres. Comme les retraités du foot. On en compte six, rien qu'à Rio. Il y a Roberto Dinamite, dont le nom inscrit en lettres géantes sur une banderole survole les plages, le dimanche, dans le sillage d'un avion.
Il y a le champion du monde Bebeto, 46 ans, et son vieux complice et rival de jeu Romario, 44 ans, ex-amateur de Ferrari, récemment autopromu défenseur des pauvres. Cheveux ras, un rien grisonnants, cet ancien enfant des favelas mène une campagne au succès garanti dans les quartiers populaires. Il passe son temps à signer des autographes comme à l'heure de sa gloire.
Les femmes ne sont pas en reste. Surtout celles dotées d'indéniables atouts, émules brésiliennes de la Cicciolina : Andreia Schwartz, 33 ans, ex-call-girl qui provoqua la chute d'un ancien gouverneur de New York ; Cameron Brasil, 11 films pornos à son actif ; Mulher Melao, fière du litre de silicone qui gonfle sa poitrine. Et la "doyenne" Gabriela Leite, 59 ans, ancienne "travailleuse du sexe" reconvertie dans la prévention contre le sida. Son slogan a le mérite de la clarté : "Puta deputada !"
La loi permet aux candidats de s'inscrire sous le patronyme de leur choix, pourvu qu'il n'offense personne. Certains portent donc d'illustres noms d'emprunt. On trouve des Barack Obama, desJohn Kennedy et des Nelson Mandela. Des Pelé, un Zidane, un Maradona, une Madonna.
La démocratie brésilienne est l'une des plus vibrantes du monde. L'essentiel de la campagne se joue à la radio, et surtout à la télévision, lors de deux programmes quotidiens. Le plus suivi occupe, sur toutes les chaînes, l'horaire noble - de 20 h 30 à 21 h 20 - juste avant la novela, le grand feuilleton du soir. Chose cruciale, cette propagande, qui s'étale sur quarante-cinq jours, est gratuite.
Des dizaines d'inconnus au niveau national ont la chance de vivre leurs "quinze secondes de gloire". Et encore : l'immense majorité dispose de moins de cinq secondes pour s'exprimer. Juste assez pour lancer un slogan, donner son nom, son prénom et son numéro, celui que l'électeur est invité à composer le jour du vote sur un clavier électronique.
Les mots d'ordre sont concis : "Marquez un but avec Bebeto", "Sportifs, je compte sur vous", "Défendons la famille et l'Eglise", "Restez avec Dieu", "Aimons l'éducation", "Ma voix est la vôtre", "25 866, le chauffeur de taxi du peuple", "Votez pour le guerrier", ou "Contre le bourgeois". Le tout agrémenté d'un jingle musical : samba, pop rock ou funk. Les clips du Parti communiste s'achèvent sur quelques notes de L'Internationale, jouées à la guitare.
Quelques rares poids lourds ont reçu la récompense suprême : l'appui télévisé du président Luiz Inacio Lula da Silva. A Rio, où deux sièges de sénateur sont en jeu, le chef de l'Etat, dans sa grande bonté, vante les mérites des trois postulants les mieux placés. Chacun d'eux peut ainsi se présenter comme "le candidat de Lula".

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